Le 6 mars 2025, le Canal Olympia Dakar a vibré au rythme des luttes et des espoirs de la jeunesse malgache avec la projection de « Disco Afrika : une histoire malgache », le premier long métrage de fiction du réalisateur Luck Razanajaona. Ce film, à la fois poignant et engagé, interroge l’héritage de l’indépendance malgache et met en lumière les désillusions d’un pays où la pauvreté et la corruption étouffent les rêves d’avenir.
Un Synopsis Évocateur
Au cœur de l’intrigue, nous suivons Kwame, un jeune homme de 20 ans, qui survit dans une mine clandestine de saphir. Un événement inattendu le pousse à retourner dans sa ville natale, où il retrouve sa mère et ses amis, mais également la dure réalité d’un pays rongé par l’injustice. Ballotté entre l’attrait de l’argent facile et le besoin de fraternité, Kwame se retrouve face à un choix crucial : céder à l’individualisme ou éveiller sa conscience politique. Ce dilemme, qui résonne avec la réalité de nombreux jeunes Africains, est le fil conducteur d’un récit qui refuse la fatalité.
Un Regard Politique Assumé
Luck Razanajaona, formé à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech, a su insuffler une dimension politique à son œuvre. Dans une interview après la projection, il a partagé son parcours, révélant qu’avant de se tourner vers le cinéma, il était impliqué dans le social. Confronté aux réalités du terrain, il a été marqué par le sort de générations entières sacrifiées sur l’autel de l’indifférence. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’on a beaucoup de jeunes qui sont mis de côté, qui n’ont pas accès à l’éducation », a-t-il déclaré, soulignant l’urgence d’une prise de conscience collective.
Le film s’ouvre sur une annonce radio tragique : deux personnes ont été assassinées dans une mine clandestine. Ce prologue met en lumière la violence et l’injustice qui gangrènent Madagascar, un pays qui, malgré ses richesses, est en proie à une misère organisée. « On est un pays qui n’a jamais connu de guerre, mais on est très pauvres », souligne Razanajaona, appelant à une réflexion sur l’avenir politique de Madagascar.
Une Fresque Historique et Identitaire
« Disco Afrika » ne se limite pas à un drame social ; c’est également une fresque historique qui rappelle les espoirs déçus des luttes postcoloniales. Le réalisateur évoque les idéaux d’une Afrique unie et prospère, qui ont laissé place à un système gangrené par la corruption. « Les idéaux de la lutte anticoloniale semblent aujourd’hui avoir disparu », déplore-t-il, tout en appelant à un réveil des consciences.
Le film se veut aussi un ancrage identitaire, une manière de redonner fierté et voix à un pays souvent ignoré du grand écran. « Il a été très important pour moi de raconter une histoire réellement malgache, imprégnée de l’histoire de mes ancêtres et de mes racines africaines », affirme Razanajaona. Cette quête d’identité se reflète également dans la bande sonore, avec une séquence finale marquante sur le titre « Mouhamadou Bamba » de Thione Seck, qui évoque le combat pour la dignité et la justice.
Un Message d’Espoir et de Résilience
Au-delà de la critique sociale, « Disco Afrika » est un appel à la révolte et à l’engagement de la jeunesse. Luck Razanajaona rappelle que des mouvements de contestation ont déjà eu lieu dans d’autres pays africains, et que Madagascar pourrait suivre cette voie. Il interpelle également les dirigeants africains : « Un dirigeant qui aime son pays doit faire le maximum pour garantir le minimum à son peuple », insiste-t-il.
En somme, « Disco Afrika : une histoire malgache » est bien plus qu’un simple film. C’est un cri du cœur, un appel à la solidarité et à l’action, une invitation à ne pas abandonner son pays. À travers ce projet, Luck Razanajaona espère inspirer un sursaut politique et culturel, et redonner à la jeunesse malgache l’espoir d’un avenir meilleur.
Ousmane Sow, pour Le Quotidien.