La lutte contre la corruption à Madagascar a pris un tournant décisif avec la création du Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) en 2004. Vingt ans plus tard, le constat est amer : malgré les efforts déployés, la corruption demeure un fléau omniprésent, tant au niveau national qu’international. Gaby Nestor Razakamanantsoa, directeur général du Bianco, a récemment présenté un bilan de ses cent premiers jours à la tête de l’institution, un moment qui coïncide avec le 20e anniversaire de cette entité.
Un constat alarmant
Lors d’une rencontre à Ambohibao, Gaby Nestor Razakamanantsoa a souligné l’inefficacité des mesures prises jusqu’à présent. Les citoyens, lorsqu’interrogés sur la lutte contre la corruption, expriment un profond scepticisme. Ce sentiment contraste avec la volonté politique affichée, les lois mises en place et les divers organes de lutte contre la corruption. Le rapport d’évaluation de la stratégie de lutte contre la corruption 2015-2025 révèle un faible niveau de confiance du public dans la capacité des autorités à mettre fin à l’impunité.
Les défis de la répression
Le Bianco, en collaboration avec le Service de renseignement financier (Samifin) et les Pôles anti-corruption (PAC), a pour mission de réprimer la corruption. Cependant, les résultats sont mitigés. Les comportements corrompus, tels que les pots-de-vin glissés aux agents de circulation ou les demandes d’argent dans des bureaux publics, illustrent la persistance de la corruption dans la vie quotidienne des Malgaches. Bien que les citoyens soient de plus en plus enclins à dénoncer ces actes, il s’agit souvent de dénonciations anonymes, témoignant d’un climat de méfiance.
L’Indice de Perception de la Corruption (IPC)
Le directeur du Bianco a également évoqué la stagnation de Madagascar dans l’Indice de perception de la corruption (IPC). Cet indice, basé sur des enquêtes menées auprès de divers acteurs économiques et ONG, reflète la perception de l’efficacité de la lutte contre la corruption. Avec seulement soixante-et-un enquêteurs pour tout le pays, la lutte contre les petites corruptions semble être une mission impossible. Les attentes se concentrent donc sur les affaires de grande corruption, qui sont à l’origine de pertes significatives pour la trésorerie publique et contribuent à la pauvreté.
La difficulté de cibler les « gros bonnets »
Un des constats récurrents depuis la création du Bianco est la difficulté à appréhender les « gros bonnets » de la corruption. Gaby Nestor Razakamanantsoa a souligné que l’obtention de preuves juridiquement valables pour incriminer ces individus est un véritable défi. De plus, le privilège de juridiction dont bénéficient les hauts responsables étatiques complique encore davantage la tâche des enquêteurs. Ce phénomène n’est pas limité au secteur public, car la corruption touche également le secteur privé, où des acteurs privés sont souvent impliqués dans des actes de grande corruption.
Vers une nouvelle stratégie
Les vingt ans du Bianco coïncident avec l’élaboration d’une nouvelle stratégie de lutte contre la corruption. Il reste à voir si ce nouveau texte, qui servira de guide pour les dix prochaines années, saura tirer des leçons des expériences passées. La lutte contre la corruption à Madagascar nécessite une approche renouvelée, intégrant les défis rencontrés et les réalités du terrain.
Conclusion
La lutte contre la corruption à Madagascar est un combat de longue haleine. Malgré les efforts du Bianco et des autres organes de lutte, le chemin reste semé d’embûches. La prise de conscience croissante des citoyens et leur volonté de dénoncer les actes de corruption sont des signes encourageants. Cependant, il est impératif que les autorités mettent en place des mesures concrètes et efficaces pour restaurer la confiance du public et véritablement lutter contre ce fléau. Les vingt prochaines années seront cruciales pour déterminer si Madagascar peut enfin tourner la page de la corruption et bâtir un avenir plus transparent et équitable.